Des contrats adaptés à la science ouverte
Publier des ouvrages dans une perspective de science ouverte implique de modifier les pratiques contractuelles en usage aux PUR, pour s’adapter aux spécificités de l’édition numérique et de la diffusion en libre accès, partiel ou total. Depuis 2016, la loi pour une République numérique autorise les chercheurs à diffuser en archive ouverte la version auteur de leurs articles publiés dans des revues scientifiques 12 mois après la parution (pour plus d’informations à ce sujet, voir l’article « Coopérer pour faciliter le dépôt des articles dans HAL »). L’usage de licences Creative Commons est par ailleurs de plus en plus recommandé, tant par le Plan S que par le comité pour la science ouverte (CoSo).
Ce nouvel environnement de publication universitaire qu’est la science ouverte doit être pris en compte dans les contrats qui lient les PUR aux auteurs, afin de permettre une large diffusion des ouvrages, tout en garantissant leur intégrité scientifique.
Le défi est de taille, compte tenu de la diversité des types de publication des PUR et de leur nombre : chaque année, plus de 150 ouvrages (monographies et ouvrages collectifs) et 25 numéros de revues paraissent, ce sont donc plusieurs centaines d’auteurs qui sont publiés aux PUR tous les ans.
Des modalités juridiques propres…
à l’édition numérique
Des mesures techniques de protection peuvent être appliquées aux livres numériques par le biais de DRM (digital rights management), des outils de gestion numérique des droits. Ces outils protègent les ouvrages du piratage de plusieurs façons, par exemple en limitant ou en interdisant la copie des fichiers, ou en paramétrant des accès particuliers, pour les prêts en bibliothèque notamment.
Cependant, ces mesures sont lourdes à mettre en place et imposent d’importantes restrictions à la liberté du lecteur, sans garantir une impossibilité totale de pirater un ouvrage. Les PUR ont appliqués des DRM à leurs livres numériques pendant une courte phase d’expérimentation grâce au service Histoire Premium, qui s’est révélée très insatisfaisante, ce procédé n’est donc plus utilisé depuis plusieurs années maintenant.
Le piratage de livres numériques, quoique complexe à quantifier, reste une pratique marginale qui n’a pas d’incidence majeure sur la diffusion de nos ouvrages. Interdit par la loi, le piratage fait l’objet d’une forme de verrou social. Les lecteurs ont en effet conscience des limites qui existent entre un usage du livre numérique autorisés, tel que le prêt à d’autres lecteurs, pratiqué aussi dans le cas du format papier, et un usage qui nuirait à l’équilibre économique fragile de l’édition universitaire.
à la diffusion en libre accès
Utilisation des licences
Outre le piratage, qui n’a plus lieu d’être si l’ouvrage est disponible en libre accès, partiel ou total, il est important de définir l’usage qui peut être fait d’un livre grâce à des licences. L’association Creative Commons en propose 4 types, qui peuvent être utilisés seuls ou de façon combinée :
- attribution (CC BY) : il est possible de réutiliser librement une œuvre, à condition d’indiquer le nom de son créateur
- partage dans les mêmes conditions (CC SA – same) : il est possible de réutiliser librement une œuvre, à condition d’impliquer la même licence à tous les dérivés
- pas de modifications (CC ND – non derivative) : il est possible de réutiliser librement une œuvre, à condition de ne pas la modifier
- pas d’utilisation commerciale (CC NC – non commercial) : il est possible de réutiliser une œuvre à condition de ne pas faire un usage commercial de l’original ou des dérivés de l’œuvre originale.
À l’heure actuelle, nous diffusons nos ouvrages sous licence CC BY ND NC, autrement dit ils peuvent pas être modifiés ni être commercialisés sans accord préalable des PUR. Cela garantit la protection juridique des ouvrages, tout en permettant une large diffusion, renforcée par l’accès libre. La licence CC ND n’est toutefois pas le seul moyen d’interdire les modifications substantielles d’un texte. Le code la propriété intellectuelle protège en effet le droit moral des auteurs et autrices : il n’est pas permis d’altérer une œuvre d’une manière qui porterait préjudice à celui ou celle qui l’a écrite, par exemple en modifiant le texte afin de propager de fausses informations.
La coalition Plan S recommande la diffusion des textes scientifiques sous licence CC BY ; jusqu’à présent il s’agit du seul organisme préconisant cela. OpenEdition, de même que les financeurs de nos ouvrages, incite à l’usage de licences, tout en laissant le choix libre à l’éditeur.
La question des droits d’auteurs
La publication en science ouverte pose aussi la question des droits d’auteur. Certains financeurs – c’est le cas, pour nos ouvrages de l’université de Lausanne – imposent une diffusion de la version numérique des livres en libre accès total, ainsi qu’une absence de rémunération des auteurs. Ces derniers perçoivent toutefois des droits d’auteurs sur la vente des exemplaires papier.
De manière générale, la publication d’un livre en libre accès, partiel ou total, implique une moindre rémunération des auteurs, car tous les formats ne sont pas vendus, et modifie de façon importante les modalités de diffusion des ouvrages. Il est donc fondamental que les auteurs soient bien informés, afin qu’ils puissent donner un consentement éclairé. C’est une question d’autant plus complexe que nous ne sommes en contact direct qu’avec les auteurs de monographies et les directeurs d’ouvrages collectifs ou de numéros de revue.
Travailler avec un cabinet juridique
Tout au long du projet SO PUR, nous travaillerons avec Inno³, un cabinet juridique spécialisé dans les questions de science ouverte. Inno³ nous accompagne d’une part dans la révision de nos modèles contractuels, et d’autre part dans la constitution de documents d’informations à destination des auteurs.
La première étape de ce travail a démarré au début de l’été, par un état des lieux des pratiques juridiques actuelles des PUR. À l’issue d’un atelier tenu le 27 septembre dernier, nous avons achevé une typologie des contrats en usage aux PUR. Toutes les situations contractuelles et les cas particuliers ont été recensés, et les points d’attention et éléments à faire évoluer identifiés.
En début d’année 2023, Inno³ rédigera une première version des nouveaux contrats. Ces documents seront ensuite présentés au cours de la première journée d’étude de SO PUR. Lors de la troisième année du projet, les différents éléments juridiques seront finalisés, avant dissémination des résultats. Le blog rendra compte de l’avancée de ces travaux au fur et à mesure de leur déroulement.