Du papier au numérique, une filière originale
Les Presses universitaires de Rennes produisent environ 180 livres par an. Elles ont dans les années passées publié jusqu’à 320 titres, soit presque un par jour dans une année ! La diffusion large des sciences humaines et sociales passe, hier comme aujourd’hui, par une bonne insertion dans le réseau de la librairie, condition de la visibilité qui est reconnue aux livres des PUR.
La contrainte de la mise en librairie – annoncer plusieurs mois à l’avance les offices de chaque semaine – a donc façonné les PUR selon le modèle des maisons d’édition grand public : le processus de publication s’est organisé à flux tendu, avec un large recours à la sous-traitance.
Cela étant, les PUR ont mis en place une filière d’édition électronique adaptée, basée sur les outils Apsed (Alain Pierrot solutions pour l’édition) et maintenus aujourd’hui par Henri Couet. Cette filière permet par exemple la diffusion au fil de l’eau sur OpenEdition Books de la collection Histoire (https://books.openedition.org/pur/125) selon l’action A1 prévue par SO PUR.
Une rétroboucle du papier vers le numérique
Le processus consiste à sortir le texte des outils d’édition classiques au moment de la finalisation du livre papier (l’envoi à l’impression) et à s’en servir comme source de l’édition numérique.
Cette façon de faire est originale au regard de la logique de l’édition structurée, incarnée majoritairement dans l’édition universitaire publique par la chaîne Métopes (http://www.metopes.fr/index.html) : un manuscrit unique structuré (par exemple un fichier Word normé ou un fichier XML-TEI) qui ensuite pourra être publié sous plusieurs formats (papier, PDF, epub, html, etc.).
Pourquoi ?
Historiquement, les outils d’édition numérique Métopes et Apsed sont cousins. Pendant plusieurs années, ils ont été compatibles et ont partagé des développements communs. Puis ils ont chacun creusé leur voie. Métopes a assis technologiquement le modèle de l’édition structurée, accru le recours aux standards et fait monter en puissance les pratiques éditoriales de nombreuses presses universitaires. De leur côté, les PUR ont dû prendre en compte, d’une part la numérisation rétrospective de leur conséquent fonds éditorial et, d’autre part comme dit ci-dessus, la nécessité de conserver le mode de production de l’édition traditionnelle.
Les PUR ont dans le même temps généralisé à leurs revues la logique de l’édition structurée. Au-delà des outils utilisés, c’est bien la coexistence de plusieurs filières d’édition qui singularise la production numérique aux PUR.
Techniquement, comment fonctionne cette « rétroboucle » ?
Un export d’InDesign en xhtml permet de récupérer à la fois la structuration et les styles du texte (un fichier html) et les mises en forme locales (sous forme de CSS).
Cet export nécessite quelques opérations préalables. Il faut d’abord vérifier la bonne application des styles du gabarit par le metteur en page et gérer les cas exceptionnels : tout arrive dans un livre et l’opérateur sous-traitant a peut-être fait des choix éditoriaux en ne pensant qu’au support papier. De même, il ou elle a pu recourir à des artifices invisibles une fois imprimés mais complètement dommageables dans l’univers numérique (caractère non Unicode, appel de note masqué, etc.).
Un ensemble d’interventions sont ensuite réalisées pour ôter du texte les artefacts purement liés à la forme papier : veuves et orphelines, retours forcés, activation des liens Internet, espaces insécables, rubriques, etc.
Pour faciliter tout ce travail, une batterie de recherche-remplace, basiques ou en Grep, a été constituée et est maintenue en interne par Michaël Delabrosse.
Il faut enfin considérer chaque chapitre comme une unité éditoriale (ce que fait implicitement le format papier d’un livre) et donc lui apparier des métadonnées. Cela se fait par la création de blocs ancrés dans la mise en page. De même, les images et les encadrés, la bibliographie et les annexes nécessitent des blocs de composition qui piloteront la bonne création des divisions qui vont structurer le fichier XML.
Le format XML-TEI obtenu
Des feuilles de transformation XSLT permettent ensuite d’obtenir un fichier XML-TEI. Celui-ci pourra alimenter OpenEdition Books ou l’édition d’un format epub.
Ce fichier transporte avec lui l’appel à une partie des CSS exportées d’InDesign. Ceci permet l’affichage correct de la petite typographie (italiques, petites capitales, gras, exposants, etc.) ainsi que certains éléments (mises en forme de tableau ou d’encadré).
Le fichier XML-TEI n’emporte en revanche pas de métadonnées plus complexes que celles présentes dans le fichier d’édition papier. C’est en quoi, à l’instar du format epub, nous pouvons le considérer comme pauvre, à savoir suffisant pour afficher une forme et répondre aux demandes de métadonnées minimales, mais insuffisant au regard d’une édition numérique complète.
L’ensemble de ces transformations sont aujourd’hui réalisées grâce à Michaël Delabrosse et Jade Rogier.
Coûts
En termes de temps de travail et donc de coût, cette filière ajoute entre une journée et deux journées de travail supplémentaires à l’édition papier. Ceci reste variable en fonction bien sûr de la complexité de chaque livre mais aussi de la qualité du travail de mise en page – nous devrions dire désormais mise en fichier. Le travail entrepris depuis des mois vise à réduire ce dernier aléa pour atteindre un surcoût raisonnable de l’ordre de 200 euros par livre. Ceci sans altérer, on l’aura compris, le délai d’édition de la forme papier : celle-ci sera bien à l’heure sur les tables des libraires !
Renouer avec Métopes
SO PUR prévoit dans son action B3 le travail sur une convergence nouvelle des outils Apsed vers Métopes. Elle permettra l’enrichissement des fichiers d’édition numérique produits par les PUR, une coopération accrue au sein de l’édition publique et une complémentarité des filières de production adaptées au différentes réalités des maisons d’édition. Ce travail important démarre. Nous rendrons compte en détail de l’avancée de ce chantier qui boucle en quelque sorte une première histoire des outils de l’édition numérique universitaire publique.