Histoire de l’« Histoire de la machine à laver »
« Être culturellement actif, [c’est] comprendre que le monde des objets contient notre réalité humaine et que les objets techniques se sont construits sur une grande espérance humaine. »
En 1994, paraissait L’Histoire de la machine à laver, le premier titre de la collection « Histoire » créée aux PUR en 1993. Aujourd’hui, ce livre devient accessible en libre accès à cette adresse https://books.openedition.org/pur/175631. Ce jour marque d’une pierre blanche l’histoire des Presses universitaires de Rennes et celle de la collection « Histoire ».
Le livre numérique, tout nouveau qu’il se donne, s’inscrit bien dans une histoire : quel meilleur exemple à donner comme illustration sinon cette histoire d’un objet technique dans la société française ? Numérisé grâce au dialogue stratégique de gestion de l’université Rennes 2 (action D3 de SO PUR), le livre de Quynh Delaunay revient faire l’actualité et il n’est pas sans résonance avec l’édition numérique.
Relisons-le et faisons-en ici une rapide histoire.
Le livre
La maquette de la collection « Histoire » a été créée par Terre de Brume. Son papier de couverture original et ses triangles rouges deviendront vite célèbres. La mise en page de ce premier ouvrage a été réalisée par Agnès Le Dem. Il a été achevé d’imprimer sur les « Presses de l’université de Rennes 2 Haute Bretagne » en mai 1994.
Le livre est épuisé aux PUR depuis longtemps, à tel point qu’aucun exemplaire ne restait disponible dans les locaux. Les fichiers numériques, eux, étaient incomplets, manquaient toutes les images. En vue de la numérisation à l’été 2022 par la société Infoscribe, nous avons sorti un exemplaire des collections de cette même université, plus précisément de l’UFR Histoire. Ce n’est sans doute pas une coïncidence !
Des exemplaires de l’Histoire de la machine à laver sont parfois disponibles en vente d’occasion, à des prix variables, par exemple ici, vendu à 90 € le 7 décembre : https://www.biblio.com/book/histoire-machine-laver-un-objet-technique/d/614973042?sscid=c1k6_8x8l4&utm_source=shareasale&utm_medium=2216164&utm_campaign=385748
À l’occasion des 30 ans de la collection « Histoire », le livre sera à nouveau disponible en version papier en début d’année 2023.
Le texte
Jean-Claude Kaufmann avait publié en 1993 une Sociologie du couple, dans lequel il considérait qu’un couple se formait vraiment à partir de l’achat d’une machine à laver.
« Le pari de madame Quynh Delaunay était un pari osé. Car, au fil des années et des publications, la machine à laver est devenue, dans l’ensemble des sciences humaines, un objet mythique, une sorte de symbole de la société de consommation, une référence obligée pour décrire les pratiques culturelles associées à l’usage d’un objet technique. »
Cet extrait est tiré de la préface rédigé par François Caron, spécialiste de l’histoire des techniques. L’incipit de l’ouvrage précise :
« La société contemporaine est construite sur une abondance de biens industriels, et toute notre perception de la vie économique – qui constitue une part importante de la réalité sociale – repose sur les objets dont certains sont fictifs. Malgré cela, l’étude du quotidien par de nombreux chercheurs en sciences sociales s’épanouit dans la psychologie, la sémiologie et la philosophie, en négligeant l’analyse des objets eux-mêmes. Les objets qui focalisent l’attention appartiennent au passé ou à des peuples considérés comme relevant de stades différents de l’humanité. Ils sont réunis dans les musées et se maintiennent à une distance ethnographique par rapport au regard contemporains. Or c’est une perte d’information sur la société elle-même. »
L’éditeur
Pierre Corbel, vous étiez directeur des PUR lors de la création de la collection « Histoire » et de l’édition de son premier titre, L’Histoire de la machine à laver.
Comment était le manuscrit ?
Le manuscrit a demandé une certaine préparation pour s’intégrer au catalogue des PUR, ce à quoi nous tenions car le sujet était excellent et le cahier d’illustration est de très bonne qualité.
Comment est née la collection « Histoire » ?
Je suis arrivé aux PUR en 1993, peu de temps après nous avons ouvert une collection de science sociale « Des Sociétés », dans laquelle quelques ouvrages d’histoire étaient publiés. Nous nous sommes rendus compte que les PUR acquéraient une certaine reconnaissance auprès des historiens. C’est pourquoi Michel Lagrée, historien et membre du comité éditorial des PUR, a encouragé la création de cette collection « Histoire ». Je pensais qu’il en deviendrait directeur, mais il a tenu à une séparation des pouvoirs. C’est donc Hervé Martin et Jacqueline Sainclivier qui ont pris la direction de cette collection.
Ce livre inaugure en quelque sorte l’histoire des techniques au sein de la collection « Histoire », qui en deviendra une série. Était-ce prévu dès l’origine de la collection ?
François Vatin, un sociologue et membre du comité éditorial, s’intéressait à l’histoire des techniques et connaissait des spécialistes de ce domaine, dont Quynh Delaunay, autrice de Histoire de la machine à laver. Débuter la collection par une série sur l’histoire des techniques n’était pas prémédité, mais cela s’inscrit dans l’objectif de la collection « Histoire » qui est d’être une collection généraliste, toute période historique et domaine confondus, sans chapelle. C’est justement cela qui a distingué la collection et en a assuré sa longévité.
L’avenir de la collection
Pierre-Henry Frangne, vous êtes le directeur actuel des PUR, en charge de l’avenir de cette collection « Histoire ».
Comment relisez-vous ce livre 30 ans après sa parution ?
L’Histoire de la machine à laver est le premier titre de la collection, le premier rivet du vaisseau amiral des PUR si je puis dire. L’Histoire de la machine à laver marque le début d’une aventure éditoriale inédite en France, celle d’une collection, mais aussi celle d’une maison d’édition qui est progressivement devenu le premier éditeur universitaire public de France. Et ce coup inaugural fut un coup de maître car l’ouvrage traite d’un objet technique contemporain tout à fait original où se mêlent l’histoire des techniques, de l’industrie, de la société contemporaine, de ses mœurs et de sa culture.
Le republieriez-vous, si le manuscrit était proposé aujourd’hui au comité éditorial ?
Il y a 30 ans, comme aujourd’hui, la machine à laver est un appareil domestique essentiel, dont l’histoire dit beaucoup sur la société française et son évolution, sous tous ses angles. Sa thématique est toujours aussi pertinente et on pourrait même dire qu’elle l’est plus encore aujourd’hui avec les questions qui existaient avec moins de virulence il y a 3 décennies comme celles de l’écologie, du genre, du féminisme, voire de l’éco-féminisme.
Comment travaillez-vous à l’avenir de la collection « Histoire » ? Dans quelle direction ?
Diriger les PUR impose de se soumettre à deux exigences. D’abord, celle de la fidélité et de la transmission. À cette exigence correspond le devoir de continuer ce qui est une réussite éditoriale inédite (c’est le cas de le dire) dans le paysage de l’édition scientifique. Ensuite, celle de l’innovation, de l’adaptation, du développement voire de l’amélioration.
Une nouvelle maquette de couverture a été inaugurée il y a 6 ou 7 ans. Une nouvelle série sur l’histoire du sport a été créée il y a quelques mois. La création de cette série rend mieux visible ce domaine de recherche en pleine expansion à l’extérieur des PUR comme à l’intérieur. Il est en effet important d’intégrer à la collection des objets historiques nouveaux. Autre innovation : le développement de la collection passe désormais par la numérisation des nouveautés et des ouvrages du fonds. Il passe par la diffusion des livres en mode freemium (ouvrage consultable en ligne et achetable aux formats numérique et papier) pour s’adapter aux nouveaux modes de lecture des ouvrages.
L’histoire d’un objet technique inaugurait la collection. Sur quelle histoire souhaiteriez-vous que le numéro 1 500 paraisse ?
Un livre sur l’histoire des PUR ou sur la collection « Histoire » elle-même serait un beau sujet pour le 1 500e titre !
En 2023, la collection « Histoire » fêtera son 30e anniversaire : que prévoient les PUR ?
Cet anniversaire se déploiera tout au long de l’année 2023 en une série d’événements, dont le point d’orgue serait, nous l’espérons, les Rendez-vous de l’histoire de Blois avec, par exemple, une table ronde ou une émission en direct sur Radio France. Mais nous avons aussi en projet une exposition, des conférences, l’édition d’un catalogue qui fait aujourd’hui près de 1200 titres. Les 5 directeurs actuels de la collection (Frédéric Chauvaud, Florian Mazel, Philippe Hamon, Noëlline Castagnez et Francis Prost) et moi-même considérons que célébrer l’anniversaire de « Histoire » ne relève pas de la simple autosatisfaction toujours un peu courte. Pour nous, c’est d’abord la reconnaissance d’un travail de plusieurs générations d’historiens et d’historiennes — c’est sous l’impulsion de Michel Lagrée que la collection « Histoire » fut créée ; ce furent Hervé Martin et Jacqueline Sainclivier qui la fondèrent et la dirigèrent pendant de nombreuses années (un historien médiéviste et une historienne du XXe siècle, un duo parfaitement complémentaire !) — qui rend possible un avenir encore plus riche pour la recherche, la connaissance de la société, le devenir et le rayonnement des PUR.